Les droits des Roms

Article et photo par Elena Dalibot
Traduction par Adelina Ionescu

 
« Toute forme de discrimination est inacceptable. L’Union et les États Membres doivent faire un effort soutenu pour intégrer les groupes vulnérables dans la société, particulièrement la communauté rom, en promouvant leur intégration dans le système éducatif et  le marché du travail, et en agissant afin de prévenir les actes de violence à leur égard. Pour atteindre cet objectif, les États membres devraient s’assurer que la législation en vigueur est correctement appliquée, en vue d’aborder les possibles discriminations. L’Union offrira de l’assistance pratique et promouvra les meilleures pratiques afin d’aider les États membres à réaliser cet objectif. La société civile jouera un rôle très spécifique à cet égard. » (Le programme de Stockholm, section 2.3.3)

Contexte
 
La population rom (incluant une variété de groupes comme les Sintis, les Ashkalis, les gens du voyage, les Manouches, etc.) vivant en Europe est estimée entre 8 et 12 millions de personnes. Ils font  partie intégrante de l’Europe depuis plus de cinq cent ans. Toutefois, ils se confrontent à l’exclusion sociale et à la discrimination dans beaucoup delieux sur tout le continent, surtout en ce qui concerne leur logement, leur santé, leur éducation ou leur emploi. Pourquoi les politiques concernant « l’intégration » des Roms ont-elles échoué et comment peut-on en désigner des politiques efficaces, ensemble avec les Roms eux-mêmes ? Comment l’Union Européenne devrait-elle agir afin que les Roms ne soient plus considérés comme « un problème pour l’intégration européenne », mais comme un de ses vecteurs? Qu’est-ce que l’UE fait – et qu’est-ce qu’elle pourrait faire de plus – afin d’assurer des droits égaux pour tous ses citoyens ? Sur un plan local, comment les conditions de vie des Roms pourraient être concrètement améliorées ?

Pour répondre à ces défis, European Alternatives organisera une rencontre-débat decitoyens, en réunissant une diversité de citoyens européens et de représentants de la société civile pour discuter des droits des Roms. On abordera les sujets suivants :

–          Le logement : comment pourrait-on assurer une alternative à la construction des logements de mauvais qualité ? Dans le contexte d’une uniformisation socio-économique accrue des quartiers, comment peut-on arrêter les expulsions forcées des Roms ? Quelles mesures pourraient éviter la formation ou le démantèlement des quartiers de Roms déjà existants et victimes de ségrégation ? Comment pourrait-on améliorer les conditions de vie (concernant les routes, l’eau, les services d’assainissement, etc.) de la communauté rom ?

–          L’éducation : comment l’Union Européenne et les États européens pourraient assurer un accès équitable à l’éducation de base ? Quelles incitations pourraient être mises en place pour stimuler la fréquentation des cours et continuer la formation ? Comment le système éducatif peut-il intégrer les Roms, en leur permettant de participer de manière efficace aux cours, en gardant dans le même temps leur(s) identité(s) culturelle(s), en valorisant le multiculturalisme et le plurilinguisme ?

–          La santé : quelles mesures pourraient-on prendre pour assurer de meilleurs soins de santé pour tous ? Quels sont les résultats du Programme Opérationnel de Médiation Sanitaire des Roms ? Comment pourrait-on améliorer les services médicaux et former le personnel médical afin de lutter contre la discrimination des Roms ?

–          L’emploi : comment pourrait-on faire face et lutter contre la discrimination pendant les entretiens d’embauche ? Quel impact aurait un meilleur accès au marché du travail dans d’autres domaines de la vie des Roms, comme la santé, les conditions d’hébergement ou l’éducation ? comment pourrait-on évaluer les bénéfices économiques et de production des activités souvent sous-estimées ?

–          Les droits et la justice : ce dernier sujet concernant les droits et la justice a un double sens. En fonction de l’importancedes questions suivantes selon les situations locales, une question seulement peut être discutée.
La libre circulation et ses limites : les « désavantages » du principe de la libre circulation, sont-ils justifiés ? Comment devrait-on réagir quand des citoyens européens sont renvoyés dans leurs pays d’origine ? L’exemple de la France qui a expulsé de nombreux Roms pendant l’été 2010 peut être le point de départ de ce débat.
L’État de droit, l’exploitation et le crime organisé : comment pourrait-on dissocier les Roms de la criminalité, surtout dans les médias de masse? Quel rôle joue l’Europe dans le cas où un ou plusieurs États ne respectent pas la loi ? Comment pourrait-on insister auprès des autorités locales, nationales et/ou européennes afin de s ‘assurer que la législation anti discrimination et les politiques d’intégration des Roms ne sont pas que des bonnes intentions, mais qu’elles sont aussi appliquées, de manière efficace?
 

Le cadre politique et institutionnel
 
La législation anti-discrimination
 
La protection contre la discrimination est reconnue en tant que droit universel par la loi internationale des droits de l’homme par l’intermédiaire d’un grand nombre d’instruments, comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), la Convention Internationale sur l’Élimination de Toute Forme de Discrimination Raciale (CERD, 1965), ou la Convention Cadre pour la Protection des Minorités Nationales (FCNM), adoptée par le Conseil de l’Europe en 1944. Certains de ces articles  demandent aux États  non seulement de ne pas discriminer, mais aussi de mettre en oeuvre des mesures positives pour la combattre.

Dans le cadre de la législation de l’Union Européenne, la non-discrimination est un des plus importants principes directeurs de l’initiative juridique et politique. Les principaux textes qui condamnent la discrimination incluent l’article 13 du Traité d‘Amsterdam, la Directive sur l’Égalité Raciale (2000/43/EC), la Directive sur l’Égalité de Traitement en matière d’Emploi et de Travail (2000/78/EC) et la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.

  •    La Directive (2000/43/EC) sur l’Égalité Raciale implémente le principe du traitement égal des personnes, indépendamment de leur race ou leur origine. Tous les États membres sont obligés de le transposer dans des lois nationales. La Directive les conseille vivement de créer un organe spécialisé afin de promouvoir le traitement égal pour toutes les personnes, sans discrimination fondée sur la race ou les origines et leur permet de lancer des programmes d’action positive en faveur des minorités ethniques.
  •   La Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, proclamée en 2000, a acquis statut juridique en 2007, à travers le Traité de Lisbonne. Le Royaume Uni, la Pologne et la République Tchèque ont négocié une exception et n’ont pas signé la Convention. Celle-ci proclame les droits civils, politiques, économiques et sociaux des citoyens européens. Avant 2007, elle n’a pas eu un caractère juridique contraignant, mais a influencé les décisions de la Cour Européenne de Justice. À partir de 2007, elle peut être invoquée devant la Cour de Justice en cas de violation des droits par un État. L’article 20 de la Convention établit le principe général de l’égalité devant la loi, pendant que l ‘article 21 se concentre sur le principe de non-discrimination. L’article 51 mentionne le fait que les principes établis par la Convention devraient guider le développement des politiques dans l’UE et la mise en œuvre de celles-ci par les autorités nationales.
  •   La non discrimination des minorités ethniques représente un des critères de Copenhague, que les pays candidats à l’UE doivent respecter afin de devenir membres de l’Union.

 
La libre circulation et l’accès au marché du travail dans l’UE

 
Un très grand nombre de Roms de l’Europe habitent en Roumanie et en Bulgarie. En tant que citoyens de ces deux États Membres de l’UE, ils ont le droit de bénéficier de « l’acquis communautaire » de l’Union, incluant la Directive de 2004, concernant la libre circulation. Ils ont le droit de rester dans un État Membre de l’UE maximum trois mois. Une fois expirée cette période, l’Union établit des conditions concernant les ressources.

Cependant, certaines restrictions relatives à l’accès sur le marché du travail (variables en fonction de chaque État membre), sont maintenues pour la Bulgarie et la Roumanie pour une période transitoire (jusqu’à 7 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2014). Conformément à la législation européenne, les travailleurs bulgares et roumains peuvent, à présent, circuler librement dans 14 des 25 États Membres (Danemark, Estonie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovénie, Slovaquie, Finlande, Suède, Hongrie, Grèce, Espagne et Portugal), ayant accès aussi au marché du travail de la République Tchèque. Les restrictions s ‘appliquent dans les 10 autres États Membres (Belgique, Allemagne, Irlande, France, Italie, Luxembourg, Hollande, Autriche, Royaume Uni et Malte) (source : Commission Européenne). Bien que les restrictions varient d’un État membre à un autre, celles-ci demandent que les travailleurs bulgares et roumains obtiennent un permis de travail.

On devrait ajouter à cette liste une série de lois concernant les droits des minorités et les instruments contre la discrimination existants à niveau national. Toutefois, malgré l’importance de ce cadre juridique, il est encore plus important de mettre en oeuvre et de respecter ces lois, ce qui est loin d’être une réalité dans l’Europe actuelle, surtout dans le cas des Roms.

 
Le programme de Stockholm

Le Programme de Stockholm est le plan quinquennal proposé par le Conseil Européen et adopté par la Commission Européenne, concernant l’acquis en matière de Justice et d’Affaires Intérieures pour la période de 2010-2014. Ce document, développée pendant la présidence suédoise du Conseil Européen en 2009, aborde de nouvelles formes de coopération et d’intégration dans le domaine de la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union Européenne. Il se concentre sur le respect des droits et libertés fondamentales en Europe, dans l’État de droit, sur la réalisation d’une Europe du droit et de la justice et sur le plein exercice du droit de libre circulation (section 2.2) ; tous ceux-ci sont des éléments majeurs qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie des Roms en Europe. Ils sont explicitement mentionnés dans la section 2.3.3., sur la lutte contre la discrimination, du programme de Stockholm.

 
Notre approche

European Alternatives soutient la protection des droits des Roms , non pas en tant que droits spécifiques accordés à ce groupe (hétérogène), mais en tant que droits de l’homme (voyez ici notre campagne du film « Roma rights are human rights ») et demande leur égalité d’accès à un logement de qualité, à l’éducation, aux services de santé, au marché du travail, ainsi que pour un droit de libre circulation effectif en Europe. La discrimination contre les Roms, tout comme la discrimination contre toute autre personne, est inacceptable et nous nous mobilisons contre ces cas particuliers au nom d’une Europe qui montre plus de solidarité et de respect pour les droits de l’homme.
 
L’initiative des citoyens

Le Traité de Lisbonne introduit la possibilité de l’Initiative des Citoyens Européens. Il établit qu’ «un groupe formé d’au moins un million de citoyens originaires de différents États membres peuvent demander directement à la Commission de présenter une initiative revêtant pour eux un intérêt dans un des domaines de compétences de l'UE ». Les signatures en ligne seront considérées valables. Les propositions actuelles mentionnent le fait que minimum 9 États Membres de l’UE doivent signer, pour que l’initiative soit valable.
 
La voie à suivre

European Alternatives désire collaborer avec des organisations partenaires et avec des activistes indépendants de toute l’Europe, afin d’organiser une série de débats transnationaux, ayant le but d’initier une pétition européenne commune et d ‘établir une coalition nécessaire pour continuer avec la demande.