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Situation des Roms en Roumanie : “purification” de la rue Coastei à Cluj

Article de Diana Prisacariu
Traduction d'Alexis Gratpenche
 

Schizophrène, autiste, ou encore paranoïaque : c'est en ces termes que s'exprimèrent les intellectuels qui assistaient à l'office religieux inaugurant le début des travaux de la nouvelle Faculté de théologie sociale. La messe fut célébrée par Andrei Andreicut, grand chef orthodoxe à l'allure débonnaire. Un homme dont la voix est parfaite pour conter des histoires aux enfants et qui use d'un vocabulaire qui constitue un exemple extraordinaire si l'on désire se pencher sur l'influence slave dans la langue roumaine médiévale. Il célébra cet office magnifique par 35°C, une preuve de plus de son combat de résistance… contre le communisme. À moins qu'il ne luttât seulement contre le soleil. Le courage du métropolitain est d'autant plus admirable qu'il parvint, presque deux heures durant, à tourner le dos à une foule colorée constituée d'une centaine de Roms et de plusieurs dizaines de roumains et de hongrois : étudiants, universitaires, journalistes ou militants. Ils brandissaient des banderoles dans le calme et se demandaient s'ils étaient soudain devenus invisibles ; ou peut-être était-ce la magie de la cérémonie religieuse qui empêchait les autres de les regarder ?

 

Les gardes du corps qui nous bloquaient le passage sont, d'après ce que révéla le vice-maire plus tard, une toute nouvelle acquisition de la municipalité destinée à protéger les autorités des menaces et des attaques des Roms. Au moins, leur attitude impassible était plus comique que celle des prêtres, eux-même de noir vêtus, qui constituaient ici la minorité à protéger.
 
“C'est quoi, la théologie ?” me demanda une maligne petite Rom, ravissante, soignée, et joliment habillée. La fillette, qui tenait avec moi une banderole, avait 8 ans, alors il ne valait sûrement pas la peine que je me lance dans une critique de l'hypocrisie de l'Eglise orthodoxe. Elle n'avait plus de domicile car sa famille avait été expropriée en plein mois de décembre, par – 16°C. On les avait ensuite déplacés sur une colline juste à côté de la décharge municipale dans une “habitation modulaire” où 8 familles doivent se partager 4 pièces de 16 m2 et une salle de bain de 6 m2, sans chauffage, ni eau chaude : rien, hormis des chiens errants et des tonnes de boue à traverser pour atteindre l'autoroute. Ainsi, je décidai plutôt de lui parler de Dieu et de la supposée bonté de ceux qui l’'étudient, ces personnes à qui l'on devrait en principe pouvoir demander de l'aide. Des antisémites et des racistes devenus responsables religieux adorés de presque tous les intellectuels roumains. Ils sont une cible de choix pour ceux qui veulent faire des affaires, en particulier quand les autorités, le secteur public et les étudiants de Cluj peuvent en tirer un bon profit.
 
Je m'arrêtai là et décidai de garder ces pensées pour moi. Je pensai notamment à un opérateur de téléphonie, que j'avais admiré pendant un temps pour sa politique de responsabilité sociale et pour qui on avait purifié un terrain afin qu'il y implante à Cluj son département de recherche et développement. Cette entreprise abandonna ensuite l'idée et choisit de produire en Roumanie plutôt que d'y valoriser l'innovation : une fois de plus, on remettait à plus tard un projet qui aurait fait venir des capitaux en Roumanie plutôt que de profiter simplement de la main d'œuvre bon marché. C'est alors que la municipalité décida de donner le terrain à la très respectée Eglise orthodoxe.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, nous n'osions ni crier, ni même parler, pendant que la messe suivait sa marche séculaire. C'est seulement à la fin de la cérémonie que les manifestants rompirent le bruissement silencieux des feuilles de papier et se firent entendre : certains parmi nous  parlaient de la situation des Roms, d'autres de cette situation ubuesque, et nous étions tous d'accord pour trouver insensé le comportement des autorités, des spectateurs et des cléricaux, qui étaient parvenus à nous éviter du regard pendant toute la durée de la cérémonie. Nous poussâmes des cris de stupéfaction à la vue d'une voiture qui quittait les lieux en hâte, ne laissant qu'un nuage de poussière derrière elle. Il s'agissait du maire, qui avait fait preuve de beaucoup d'imagination pour nous éviter.
Il avait sûrement demandé aux prêtres de prier pour le salut de son âme, puis, aidé de policiers très vigilants, il avait traversé la foule et s'était frayé un chemin à l'écart de nos remarques, alors que nous demandions plus d'humanité dans le traitement des Roms.
 
Plusieurs ONG, des universitaires, des étudiants et des militants avaient essayé d'attirer l'attention sur la situation de ces citoyens qui, bien que vivant à Cluj-Napoca dans la légalité, avaient été relogés par la force sur le site de la décharge municipale. En dépit du mécontentement des militants, les autorités ne les laissèrent ni s'exprimer aux réunions du Conseil municipal, que le maire présidait, ni ne répondirent à leur invitation quand ils leur proposèrent de visiter les nouveaux logements sociaux construits à proximité de la décharge municipale. Les responsables de l'Eglise orthodoxe, pour leur part, ont adopté une attitude encore plus habile. Ils nous offrirent en effet le spectacle de ce vieil homme qui déclarait ne pas savoir que le terrain était habité auparavant, qui prononçait un discours calme, bien que parfois incohérent. De telle sorte que l'adoration de son auditoire atteignit alors des sommets.
 
Voilà le problème. Reste à trouver la solution.

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